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Lazard Timsit : "Mes documentaires sont des portraits."

Photo du rédacteur: Samuel MassiliaSamuel Massilia

Son nouveau documentaire interroge la réalité d'un métier qui oscille entre rêve et sacrifice. Lazard Timsit adopte, une nouvelle fois, une approche immersive et honnête. Une caméra confiée, une parole libérée, une confiance construite : c’est ainsi qu’il capte l’authenticité d’un quotidien fait d’attentes et de doutes. Plonger dans l’univers du mannequinat à travers l’œil de son réalisateur et de sa protagoniste, c’est accepter de voir au-delà des strass et des paillettes, derrière les podiums éclatants et les flashs aveuglants. Ce qui intéresse avant tout Lazard, ce sont les trajectoires, les regards, les récits individuels. Dans Mannequin, il nous rappelle que derrière chaque silhouette qui défile, il y a une histoire à raconter. Rencontre.



« Lazard, ton nouveau documentaire, Mannequin, est disponible sur france.tv et MyCanal. Qu'est-ce qui t'a donné envie de faire un documentaire sur le mannequinat ?

Je voulais aborder une profession pour laquelle on est envahi de photos de mode, de publicités, de défilés, de Fashion Week et où l'on ne s'intéresse aux mannequins que pour leur demander leur avis sur les robes portées, les shows auxquels elles participent, sans jamais leur demander réellement comment elles vont. Aujourd'hui, lorsqu'on évoque la mode, on parle des stylistes mais peu des mannequins. Le milieu de la mode m'était complètement inconnu. C'est lors du casting qu'on se rend compte si on a un sujet ou pas. Mes documentaires sont des portraits. J'ai voulu suivre une mannequin pour connaître son prisme sur ce métier. En tant que réalisateur de documentaires, ce qui m'intéresse toujours quand je traite un sujet, c'est l'humain.


Tu as rencontré une centaine de mannequins avant de choisir Lydia Waldrop. Qu'est-ce qui t'a fait pencher pour elle ?

C'était une évidence. Au départ, on choisit par des critères physiques en regardant ce qu'on appelle des post card sur un grand mur. Ça peut paraître terrible mais la promesse étant la beauté, c'est comme ça, même si elle ne suffit pas du tout. Je cherchais aussi une personne qui a quelque chose à raconter. Lydia est à la fois belle, intelligente, elle a tellement de recul par rapport à sa personne et à son métier ; je buvais ses paroles. On a fait deux sessions de casting avec elle, d'une heure à chaque fois. Je n'avais pas besoin de lui poser de questions, tout était intéressant dans son histoire.


On découvre son parcours, son quotidien, on rencontre ses parents. Comment s'est construit votre rapport de confiance ?

Lydia est venue au casting avec ses parents. J'ai beaucoup parlé avec son père, je l'ai trouvé intéressant et pertinent dans son analyse du monde du mannequinat. En ayant cette empathie pour lui, j'ai voulu creuser avec Lydia. C'est une jeune femme qui a tout de suite eu envie d'être généreuse à la caméra. Son côté américain est ressorti. Elle n'a pas eu peur de jouer avec un caméscope. Il faut ensuite établir une relation de confiance avec le protagoniste. C’est essentiel de ne jamais rompre ce lien essentiel. À partir du moment où elle se rend compte que j'applique ce que je dis, une relation de confiance s’établit.



Comment as-tu construit ce documentaire ?

Ça a été totalement différent du premier. Après le succès de Physio, France TV a voulu renouveler l'expérience. Ils étaient partants sur le sujet du mannequinat mais ils n'avaient pas tout à fait la vision que j'avais du documentaire. Étant donné qu'il y a deux Fashion Week de prêt-à-porter par an, j'avais peur de reporter mon doc d'un an. J'ai alors commencé à le tourner sans l'aval de la chaîne. J'ai donné une caméra à Lydia pour qu'elle puisse se filmer avant la Fashion Week aux États-Unis, afin d'avoir des images de ses parents et elle dans l'Ohio. Quand elle est arrivée à Paris, nous avons continué le tournage. On avait quarante minutes de documentaire qu'on a pu montrer à la chaîne et c'était signé dans la semaine.


Quels sont les aspects du métier qui t'ont le plus marqué ? Les clichés que tu as déconstruits ?

Je ne suis pas journaliste, je ne fais pas d'investigation et ça a des avantages. Mon leitmotiv, c'est de toujours vouloir raconter la vérité. En tout cas, celle que j'ai perçue. Avec Lydia, on a pu observer que ça n'avait pas réellement changé sur les mensurations par exemple. Il y a comme un retour au standard et au type de filles filiformes des années 90/2000. C'est ce qui m'a le plus marqué. Après, on peut penser que le mannequinat est un milieu dangereux, compliqué, alors qu'en réalité, il peut y avoir de très bonnes surprises. Lydia n'est pas dans la dénonciation, la revendication ; elle ne crache pas dans la soupe. J'aime montrer cette autre perspective. Lydia dit qu'elle a décidé de faire ce métier qui lui apporte énormément, malgré les difficultés, les contraintes et une certaine forme de sacrifice, notamment dans le rapport à la nourriture. De plus, j'ai l'impression que les mannequins sont beaucoup plus protégées et encadrées qu'à une certaine époque. C'est par exemple plus difficile d'accéder aux agences de mannequins qu'aux boîtes de nuit.


Justement, comment as-tu réussi à accéder aux coulisses ?

Physio m'a ouvert les portes. C'est assez paradoxal, car le monde de la mode est à la fois très fermé et très ouvert. Ce sont des personnes faciles à contacter. J'ai eu beaucoup de rendez-vous rapidement avec des agences. Ils étaient un peu interloqués, mais heureux qu'on s'intéresse à eux. La meilleure preuve de ma bonne foi aura été de leur parler de mon premier documentaire sur des physionomistes, des personnes à la porte d'un établissement et qui doivent sélectionner une clientèle. Je n'ai pas trahi leur confiance et encore aujourd'hui, j'ai de très bons contacts avec eux. J'espère qu'après Mannequin je pourrai continuer à faire des documentaires sur des sujets difficiles d'approche pour la plupart des journalistes ou reporters. Dans mes documentaires, il n'y a pas de voix off, la narration est celle du protagoniste. Au montage, j'essaie de coller au maximum avec la réalité et de ne pas monter des séquences de toutes pièces. On en revient toujours à cette notion de confiance et de vérité.



Dans ton premier documentaire, tu interrogeais plusieurs professionnels d'un même domaine, alors que cette fois, tu as choisi de te concentrer sur une seule personne. Pourquoi ce changement d'approche ?

J'ai rencontré plus d'une centaine de mannequins, je suis allé jusqu'en Pologne et en Corée pour en voir. Ça a été un travail de longue haleine. Et puis, c'est en allant faire le montage dans une maison de campagne avec mon ami et associé/producteur Quentin Sitbon que je me suis rendu compte qu'avec Lydia, on avait tout. J'aime quand on suit la personne avant, pendant et après un événement. J'adore ce côté linéaire dans la narration, où par cet instant de vie qui se consacre uniquement à son travail, on va découvrir le monde dans lequel elle évolue.


Quelles sont tes références en matière de documentaires ?

J'ai étudié la fiction aux États-Unis. Quand je tourne un documentaire, j'arrive avec un storyboard et des idées bien détaillées, mais on ne respecte absolument rien, ça ne fonctionne pas mais ça me rassure, car je viens de la fiction, justement. J'aime l'hyper préparation. Pour Physio, j'ai dû tout réapprendre. Le documentaire est une langue que je ne connaissais pas. Quand je tourne une séquence, je ne sais absolument pas ce qui va se passer devant la caméra. J'ai donc commencé à regarder et à analyser des documentaires. Ceux de Netflix sont magnifiques. Ils ont trouvé une recette, qu'on aime ou pas. J'ai adoré la série documentaire The Last Dance sur Michael Jordan. La construction est limpide, faite d'un point de vue chronologique et dans lequel il y a des rebondissements, des crises, des nouvelles informations, des twists. Tout ça rend le doc haletant. Je ne suis pas un fan de basket, mais j'ai trouvé ça intéressant et je m'en suis beaucoup inspiré pour Mannequin, même si on peut ne pas voir pourquoi.


J'ai aussi adoré Tiger King, qui a rencontré un énorme succès aux États-Unis, sur un dresseur de tigres, homosexuel, pro-armes et républicain, accusé de meurtre et envoyé en prison. Les six épisodes sont une référence absolue. Les plans et les interviews sont magnifiques. Chez Netflix, il y a ce sens de l'esthétisme. À mon petit niveau, j'essaie de faire des interviews soignées, dans un environnement différent. Ensuite, je pourrais te parler de Cartel Land sur des villageois mexicains qui allaient avec des fourches et des fusils déloger les cartels des villages. J'ai aussi adoré À la recherche de Sugar Man, un documentaire sur un homme qui a fait un album aux États-Unis, sans succès, avant de s'apercevoir que c'est une immense star en Afrique du Sud et qu'il ne le sait pas. Mes goûts sont très éclectiques.



Quelle place accordes-tu à la musique et au son dans tes documentaires ?

C'est primordial. La musique est ma deuxième passion. C'est l'essence même d'un documentaire ou d'un film, c'est aussi ce qu'on va retenir. J'apporte le même soin à la musique qu'à l'image. Quand je discute avec des musiciens, je vois à quel point leur métier demande une rigueur, une connaissance, un savoir-faire. Pour Mannequin, la musique a été composé par Maxime Boutboul. On a un rapport main dans la main, il comprend tout de suite ce que je veux. J'ai aussi eu la chance d'avoir le compositeur Saint-Preux. Il a fait la musique qu'on peut entendre lorsque les mannequins se font maquiller et qu'une voix s'envole. Il a vendu plus de 35 millions de disques dans sa carrière, a fait des pubs pour les plus grandes marques du monde entier. Je suis fan de sa musique depuis tout jeune. Il m'a dit oui tout de suite. Je l'ai trouvé d'une élégance incroyable. Je voudrais également remercier le groupe Rougee Rouge, qu'on entend pendant le défilé où Lydia dit qu'elle aime bien le chaos, qu'elle trouve ça fun. C'est génial quand ton travail te permet de réaliser tes rêves de gosse.


Quels sont tes prochains projets ?

J'ai pour ambition de passer à la réalisation de mon premier long-métrage, à l'étranger et en anglais. Je souhaite aussi continuer le documentaire, mais en tant que producteur. J'aimerais beaucoup faire Physio 2. J'ai d'autres projets de doc en tête, aussi en tant que réalisateur. »

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© 2021 par Samuel Massilia.

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