Chaque mot le représente, chaque phrase en dit un peu plus sur l'homme et l'envie de tourner les pages est dévorante chapitre après chapitre. Jimmy Jean-Louis raconte l'histoire d'un enfant de Pétion-Ville qui, malgré une enfance passée dans une pauvreté écrasante et marquée par une séparation déchirante avec sa mère, son pilier, a su avancer vers son destin avec pour seules armes le courage et la résilience. Ce récit que nous offre Jimmy Jean-Louis n'est pas un scénario de film, il raconte les premiers flirts amoureux en même temps que les épisodes menant vers le précipice social. La sincérité et les mots de son auteur sont autant de coups de poing que de caresse pour le lecteur qui acceptera de se plonger dans cet incroyable destin humain. Rencontre.
« Jimmy, ton premier livre Héros sort en librairie le 24 octobre prochain. Quelle a été l’étincelle de départ de ce projet ?
Ça faisait longtemps que j’avais cette idée dans la tête. Je me demandais quel était le meilleur moyen pour laisser des traces de ce parcours que je pense être atypique. En plus de cela, je traversais une période assez difficile, des épreuves profondes, et c’était alors pour moi le bon moment d’écrire sur ce que j’ai vécu, notamment sur le fait de ne pas m’être limité à ce qu’on a voulu m’imposer dans la société. C’était important pour moi de le partager avec un maximum de lecteurs.
Tu parles avec beaucoup de pudeur de tes parents, et en même temps, tu loues leur qualité avec une précision rare. Qu’as-tu gardé d’eux, Jimmy ?
Beaucoup de choses dans la philosophie de vie et dans le tempérament. Mes parents viennent de très bas. Je le dis ouvertement dans le livre, ma mère est l’une des dames les plus douces et fantastiques que je connaisse. Elle ne sait toujours pas lire et pourtant elle a vécu une vie dans toutes les sociétés avec ce genre de handicap. J’espère avoir un peu de ses qualités.
À la fin du premier chapitre, tu parles d’un « bien étrange destin » qui t’attend. Pourquoi l’avoir défini comme tel ?
Parce qu’il est plutôt improbable. C’est assez extraordinaire ce qui a pu m’arriver. Je m’en suis davantage rendu compte en écrivant ce livre. Pleins de chemins se sont croisés dans ma vie pour que je devienne qui je suis aujourd’hui. Ce destin continue peut-être à se dessiner, à prendre forme. Je suis prêt pour tout ce qui pourrait, éventuellement, m’arriver dans un avenir proche ou lointain.
Comment as-tu été puisé dans la boîte à souvenirs ?
Pour me remettre dans ces années et me rappeler toutes ces histoires, j’ai dû avoir des conversations avec des personnes de ma famille, mais aussi avec certains amis, dont David avec lequel j’ai fait les quatre cents coups. Tout au long de ma vie, j’ai eu des points très forts. Ils m’ont permis de retracer ce récit. Et bien entendu, je ne dis pas tout (rires).
Dans ton livre, tu parles de la famille Coucous. À ce moment précis, tu as un problème avec l’autorité, alors que tu respectais celle de tes parents…
Mes parents, c’était une autre forme d’autorité. Je me considère non seulement comme un enfant des bidonvilles d’Haïti, mais aussi comme un banlieusard. Il y a un rapport assez difficile avec le système dans lequel j’étais élevé, surtout à Paris. Un système qui a plus tendance à écraser les banlieusards qu’à les élever. Des automatismes revenaient. Il est vrai que je n’étais pas trop conformiste avec la société. Par contre, le respect de mes parents, toujours.
La langue créole s’invite dans les pages avec des citations, des philosophies de vie tout droit venues de vos parents…
Haïti reste ma source. C’est une terre très facturée, malheureusement. Je suis aussi conscient que cette île a forgé les flammes de la révolte et permis au peuple noir de se libérer de ce système colonialiste qui a fait autant de mal et de peine. Et jusqu’à présent, il y a encore des séquelles. Je suis fier d’où je viens. Tout comme je suis fier de tous les autres détours que j’ai faits. Je me considère comme un banlieusard, un artiste parisien, mais aussi comme une personne ayant habité en Espagne, en Italie, en Afrique du Sud, en Angleterre.
Être ambassadeur d’Haïti, ça vous donne quelle responsabilité ?
C’est la continuation de ce que je fais depuis le début des années 2000, c’est-à-dire représenter Haïti d’une certaine manière, avec beaucoup de vérité et en restant positif. Ma première grosse représentation, c’était d’incarner le rôle de René l’Haïtien dans la série Heroes, puis Toussaint Louverture dans le film de Philippe Niang. Ces rôles sont devenus de vrais poids et m’ont forcé à comprendre que ma mission irait au-delà du cinéma. J’ai réalisé très tôt que j’avais une certaine responsabilité. Quand le titre officiel est venu à moi, il n’y a pas eu de changement spécial de comportement. J’ai continué à faire ce que je faisais : représenter du mieux possible Haïti aux yeux du monde entier.
La question de l’avenir revient souvent dans les chapitres de ton livre. Aujourd’hui encore, l’avenir te préoccupe ?
Je suis très ancré dans le présent, donc je n’ai pas nécessairement un plan concret pour l’avenir. J’ai tendance à croire que ce que l’on fait au présent va automatiquement définir l’avenir. Je me pose plutôt des petites questions. Je suis tellement préparé à toutes sortes de scénarios que l’avenir ne peut être que bon.
Quels sont tes prochains projets ?
J’ai tourné un film au Panama, Killing of a Nation, dans lequel j’incarne encore une fois le rôle du président haïtien assassiné. Il sortira au courant de l’année 2025. »