Elle aime les parcours atypiques et extraordinaires. Géraldine Maillet nous plonge dans la vie d'Adil Rami, un champion sensible, lucide et combattant comme elle l'écrit dans son Autopsie. Géraldine offre sa plume à un joueur parfois incompris, idolâtré, détesté, mais qui n'a jamais laissé place à l'indifférence dans le milieu du football. Passionnée par le sport, le cinéma et l'écriture, Géraldine Maillet nous fait découvrir à travers ses réalisations les coulisses de Roland Garros, les moments intimes de l'émission numéro 1 en France Touche pas à mon poste et nous partage la vie de ceux qui ont cru en leur bonne étoile. Rencontre avec Géraldine Maillet, sport addict !
« Comment Adil Rami vous a proposé d’écrire son Autopsie ?
Adil et sa famille connaissaient mon travail. Je venais d’écrire un livre sur Marion Bartoli qui est par ailleurs fan absolue de l’OM. Je pense qu'il a toujours eu envie de raconter sa vie, son parcours, son destin un peu extraordinaire et atypique avec une femme, lui qui est beaucoup entouré de ses sœurs et de sa maman.
Il se livre comme jamais sur l’histoire de sa vie. Combien d’heures d’échanges entre vous deux représentent ce livre ?
Les conditions sanitaires n’étaient pas évidentes. Il était en Turquie, à Fenerbahçe. Quand j’ai pu aller le voir, il y a eu le confinement. Ensuite il est parti à Sotchi. Il y a eu des heures et des heures d’échanges par WhatsApp, d’enregistrements avec un dictaphone. Et il faut toutes ces heures-là pour accéder à l’intime et faire casser les remparts et la pudeur.
À chaque chapitre, le texte d’un rappeur est cité. C’est un choix de votre part ?
Ce sont des phrases qui pour moi faisaient écho à sa vie, à son état d’esprit, ce ne sont pas des rappeurs qu’il a forcément choisi même si Adil est un garçon de punchline.
Quand on fait le parallèle entre le livre avec Marion Bartoli et Adil Rami, on a l’impression que vous aimez les destins singuliers, inaccoutumés.
Ce que j’aime dans le destin de ses champions, c'est que ce n’est pas un long fleuve tranquille. Au départ, ils ne sont pas faits pour ça. Ou en tout cas on leur dit qu’ils ne sont pas faits pour ça. Soit ils ne sont pas dans un centre de formation, soit on ne les pense pas douer. Ils ne sont pas formatés ni sur des rails.
Dans le cas d’Adil, la maman est seule, le papa est parti, c’est la galère, il est catastrophique à l’école, et pourtant il a au fond de lui une sorte de lumière, de force, qui lui dit qu’il va être footballeur professionnel. Il le dit au conseiller d’orientation, le répète à sa maman et à ses potes du foot mais beaucoup n'y croient pas.
Il a travaillé dix fois plus que les autres. On lui a fermé une porte il est entré par la fenêtre, on lui a fermé la fenêtre il est entré par la cheminée. C’est un combattant à toute épreuve. C’est une leçon pour beaucoup de jeunes.
Il y a des chemins de traverse, parfois des cul-de-sac. L’échec fait partie de la vie et parfois ça fait même avancer beaucoup plus vite. Pour Adil, il y avait mille possibilités pour lui que ça ne se passe pas bien, il y avait du trafic, des voyous, la radicalisation. Mais il avait une conviction, une envie d’avoir une vie meilleure, de s’extirper de son destin. Il faut beaucoup de courage et une force de tempérament incroyable.
Il le répète souvent, il a cru en sa bonne étoile…
Il le répète tout le temps même dans les moments difficiles. Le fameux On les aura les méchants prend tout son sens. On finira par savoir, par comprendre. Dans ce livre, il n’a pas voulu se montrer more beautiful than life. Il est extrêmement cash.
En quoi cette biographie sur un sportif de haut niveau est-elle différente des autres ?
Pour en avoir lu beaucoup, c’est souvent lisse. On a tous des mauvais côtés. Je pense qu'il est fier, qu’il est heureux. Ce livre c’est lui. Tous ceux qui le lisent me disent que c’est la respiration d’Adil. Tous les journalistes qui sont écrasés par les bios de sportifs m’ont tous dit de manière assez unanime et généreuse merci, que ça faisait du bien. Depuis le début, c’était une volonté d’Adil et moi.
Quand est-ce que cet amour pour le sport, notamment le tennis, est né chez vous ?
Mon grand-père participe à un jeu de Radio Cap d'Agde. Comme il est très érudit, il gagne souvent à chaque fois. Un jour, je gagne un stage chez Pierre Barthès, un grand champion de tennis, qui avait un campus, une sorte d’académie de tennis. J’achète une raquette et je tombe tout de suite en amour pour le tennis. Mon grand-père a ensuite gagné d’autres stages et je n’ai jamais abandonné le tennis. C’est vraiment ma passion absolue.
Vous avez d'ailleurs joué contre Cyril Hanouna mais aussi réaliser le documentaire In The French…
Il m’a explosé à plate couture (rires). En effet, j’ai fait ce documentaire sur Roland-Garros pour France 2. Le sport provoque des émotions incroyables. On se souvient tous de là où nous étions lors de la finale de Yannick Noah, de l’équipe de France 98 ou celle de 2018. Aujourd’hui, il n’y a que le sport qui provoque ça.
Le football est aussi un sport que vous suivez avec beaucoup d’attention. À l’occasion de la Coupe du Monde 2019, vous réalisez le documentaire Le moment de briller. Que vouliez-vous transmettre ?
C’était très important pour moi. J'ai vécu un moment assez privilégié auprès de ces jeunes filles toutes talentueuses et adorables. Il y avait une envie de fraîcheur, de faire connaître leur sport, d’expliquer qu’au début ça a été difficile. Elles avaient le foot en elles et elles ont tout fait coûte que coûte pour y arriver alors qu’il n’y avait pas forcément des clubs au départ pour les filles et qu’elles devaient même jouer avec les garçons.
Avec un petit côté Les Yeux dans les Bleus…
Ce qui était possible car elles ne sont pas encore formatées. Ce qui est beau dans Les yeux dans les Bleus c’est la fraîcheur. Aujourd’hui le sport est tellement contrôlé par des avocats, des agents en communication, qu'on a toujours l’impression qu’ils ont peur de ce qu’ils vont dire. J’ai trouvé intéressant de faire ce documentaire pour créer une vocation, leur donner la lumière qu’elle mérite.
Aujourd’hui, quel est votre regard sur la sélection tricolore féminine où des tensions existent entre certaines joueuses et la sélectionneuse Corinne Diacre ?
Je ne comprends pas du tout pourquoi Amandine Henry qui est notre capitaine emblématique n’a pas été appelée par Corinne Diacre. D’autant plus qu’elle avait fait trois bons matchs. Je ne comprends pas non plus pourquoi elle n’appelle pas Jean-Luc Vasseur, l’entraîneur de Lyon, pour voir comment se trouve Amandine Henry alors qu’elle est en pleine bourre. Je ne comprends pas qu’elle appelle des joueuses qui n’ont pas de temps de jeu alors qu’Amandine en a. Je ne comprends pas qu’elle appelle Amandine au téléphone et que ça ne dure même pas une minute.
La gestion de l’humain je ne la comprends absolument pas. Pourquoi Jérôme Millagou, l’attaché de presse des filles qui était génial pendant mon doc, a été dégagé du jour au lendemain ? Il y a une manière d’aborder aujourd’hui le foot féminin qui le dessert complètement. C’est dommage car les filles sont géniales.
En 2012, vous réalisez votre premier long-métrage After avec Julie Gayet, Raphaël Personnaz. Est-ce qu’aujourd’hui on pourrait vous revoir à la réalisation d’un film ?
Avant de faire ce long-métrage, j’avais fait deux courts-métrages et le clip Le Soldat de Florent Pagny. J’ai fait ce film car j’en ai toujours rêvé. Julie Gayet est mon actrice fétiche, elle m’inspire énormément. J’avais écrit cette histoire pour elle. Après, j’ai essayé d’écrire un deuxième long-métrage mais ça a été tellement dur, je ne me suis pris que des portes car le premier avait été un succès d’estime et artistique mais pas un succès de salles.
Je n’ai pas réussi à monter un deuxième long-métrage et c’est vrai que ça m’a un peu désespérée. Le process est très long. Ensuite j’ai fait les documentaires In The French, Access Prime Time sur C8 et Le Moment de briller. Je ne dis jamais que ça ne se reproduira pas mais il faut quand même beaucoup d’opiniâtreté pour faire un long-métrage.
Et une pièce de théâtre ? Vous avez été l’auteur de la pièce Splendour en 2015 au théâtre de Paris avec Elsa Zylberstein.
Ça a été un moment de grâce ! J’avais écrit un livre sur Natalie Wood qui s’appelait Splendour et très vite je me suis dit que ça pouvait être une pièce de théâtre. On était dans un contexte sans crise sanitaire, où on voyait les gens facilement. Aujourd’hui, en plus de la difficulté à monter mes projets dans l’absolu, le contexte est compliqué pour tous les intermittents du spectacle. Ils en bavent très forts.
Vous aussi, comme Adil Rami, vous avez créé votre propre monde en étant écrivain, mannequin, réalisatrice, chroniqueuse, tennis addict… Qu’aimeriez-vous explorer d’autres ?
J’aimerais avoir un restaurant, un petit hôtel, faire des collabs pour la mode. J’ai mille rêves !
Auriez-vous une citation fétiche à me délivrer ?
« Non seulement la vie est horrible mais en plus elle est courte » Woody Allen.
Que peut-on se souhaiter pour le futur ?
Je souhaite à tout le monde qu’on sorte de cette crise sanitaire le plus vite possible. »
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