Il a débuté comme acteur dans le film Itinéraire d'un enfant gâté de Claude Lelouch en donnant la réplique à Jean-Paul Belmondo et Richard Anconina. Depuis, la passion du jeu n'a jamais quitté Franck Phelizon. « Je suis un artiste, j'ai besoin de m'exprimer » avoue ce réalisateur, acteur, producteur et scénariste qui a toujours un projet d'avance. Son dernier film, Who, est dans la lignée de sa vision du cinéma, « une manipulation permanente qui permet au spectateur de se retrouver face à lui-même. » Rencontre.
« Franck, votre nouveau long-métrage Who a été présenté au marché du film du 77ᵉ Festival de Cannes. De quoi ça parle ?
Ce film, je le veux moderne, avec au centre les réseaux sociaux qui ont intégré nos vies depuis des années. C’est l’histoire de Nora Denios, elle est en direct sur sa chaîne US tard dans la nuit, elle parle à sa communauté et on comprend qu’elle a une grande notoriété. À 22h25, alors qu’elle parle de cuisine, elle reçoit une balle dans la tête. À partir de là, la police arrête son mari, Chris Denios, qui va se murer dans le silence tout au long du film. Who offre au spectateur une place privilégiée puisqu’il va voyager dans la tête de Chris pendant deux heures à travers des flashbacks. Est-ce une réalité ou une fiction ? Pour moi, le spectateur est le héros dans un film et les personnages sont les antihéros.
Comment est née l’idée de départ ?
En 2022, Claudia Cochet (qui incarne Nora Denios dans Who) a été primée au festival de Cannes par le Tik Tok Short Film. On s’est rencontré et on a écrit, au départ, un scénario pour les américains. L’idée de Who était sur un coin de table et ce sont souvent les meilleures idées, d’ailleurs. Pour moi, Who est sans doute mon meilleur film. Je retrouve la puissance des émotions chez mes personnages, avec leurs failles, leurs doutes, leurs croyances, leurs incertitudes.
Quels retours avez-vous reçus ?
Comme vous le savez, il y a des pour et des contres. Ça crée un débat. S’il n’y avait que des pour, ça m’agacerait ! Cannes est pour nous une réussite, le film a une belle visibilité. Je remercie Eric Garandeau, directeur de TikTok France et Marlène Masure, représentante, qui nous ont donné un très bon coup de main en soutenant le film et leur star, Claudia Cochet. On a monté les marches avec l’équipe du film. Nous sommes gâtés.
Quelle présentation feriez-vous de Max, votre personnage ?
C’est un type noyé qui se réfugie dans ce que j’appelle « l’alcool médicament » pour dissimuler ses blessures du passé, une douleur insurmontable chez lui. J’aime les antihéros, le mec auquel on s’identifie, qu’on a envie d’aider parce qu’il y a une tragédie dans sa vie et qu’il essaie de mener une enquête pour trouver une vérité, sa vérité. Il veut sauver Chris Denios, interné en psychiatrie pour avoir tué sa femme. Un deuxième ADN, inconnu, va être trouvé sur le flingue et il va essayer de lui trouver des excuses. Mais n’essaie-t-il pas, comme on le fait tous en psychanalyse, de trouver des excuses à sa propre tragédie ? Quand on regarde le film, on peut être déstabilisé au départ. Finalement, c’est comme dans la vie, on ne peut pas prévoir ce qui va se passer. J’invite vos lecteurs à lire le bouquin d’Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment présent. Pour moi, un film réussi, c'est quand on veut s’identifier aux personnages, qu’on a envie d’être avec eux. Je pense qu’à ce titre-là, mon film est réussi.
Who est votre quatrième long-métrage après Kickback, Les amours secrètes et Paranormal Investigation… Avez-vous le souvenir d’une grande émotion cinématographique ?
Oui. J’ai ramené Anémone au cinéma avec mon premier film Les amours secrètes, dont la bande originale est signée Fabien Strauss. Nicolas Peyrac a écrit la chanson du générique de fin pour la très grande Maurane. J’ai réalisé ce film à une époque où il était difficile à monter financièrement. Le dernier jour de tournage, je raccompagne Anémone à sa voiture et sans aucune prétention - je suis quelqu’un qui a beaucoup d’humilité - elle m’a dit : « Frank, tu es un très bon metteur en scène. Continue. » Venant de cette immense actrice, ça m’est resté. J’avais appris par son fils le drame de sa maladie. Trois semaines avant son décès, je l’ai appelé pour la remercier de tout ce qu’elle a fait pour moi. C’est un souvenir marquant dans ma vie.
Quels sont vos prochains projets ?
J’ai un film en développement pour les américains. Mario Kassar m’a approché, c’est le producteur des Terminator, Rambo, Basic Instinct. J’ai surtout Elliot, un film que je dois tourner en septembre prochain au Canada. Puis une série, La Machine, que je proposerais à une plateforme. J’aime les films qui traitent de la schizophrénie. Dans Who, vous savez où est la place du méchant. Dans un film, c’est comme dans la vie, vous voyez une personne commettre quelque chose et vous trouvez ça horrible. Maintenant, on va se mettre du côté du méchant et peut-être qu’en voyant sa vie, vous allez lui trouver ou non des circonstances atténuantes. Je ne pourrais pas faire de cinéma sans poser cette question.
Pour conclure cet entretien, auriez-vous une citation fétiche à me délivrer ?
On fait du cinéma pour raconter une histoire. On n’est pas mandaté par l’OMS pour trouver un vaccin contre la mort ou la maladie, on est là pour transmettre des émotions aux spectateurs. Ma citation est d’être toujours là où le spectateur ne nous attend pas. »
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