Homme lettré, Aurélien Recoing a de la lumière dans son entendement et de la sensibilité dans son cœur. Aurélien remplit le costume d'acteur avec brio depuis plusieurs années où les projets de théâtre, cinéma et télé ne font qu'un. Si ses personnages incarnés semblent taillés pour lui, c'est en réalité lui qui les a sculptés, sans oublier d'allumer la lumière sur ses camarades de l'ombre. Rencontre avec Aurélien Recoing, l'énergie de l'enfance !
« On vous retrouve ce soir dans le téléfilm Deux Femmes sur France 2. Que pouvez-vous me dire sur cette fiction signée Isabelle Doval et dans lequel vous incarnez le Commissaire André Faureins ?
C’est librement inspiré de faits réels dans les années 60 avec la mise en scène d'une femme accusée de meurtres, vivant dans un petit village. La question est : comment cette femme va pouvoir se sauver des griffes de cette société qui ne fait pas la part belle aux femmes ? Mon personnage est la représentation néfaste de cette société très patriarcale. Dans les années 60, une révolution arrive et j’ai été heureux de participer à ce projet pour témoigner de cette formidable progression.
Ce téléfilm est aussi une fiction. On parle mieux des choses en ayant un petit peu de distances et en agrégeant d’autres parcours. C’est un challenge très intéressant, très jouissif. On va creuser dans des souvenirs, dans la mémoire qu’on a de cette époque. J’ai des images des années 60 et j’avais ce plaisir incroyable de retrouver les gestes, les regards, le rythme, les voix...
C’est un des avantages du métier, replonger dans le passé...
C’est le plus beau métier du monde et le plus ancien aussi. En tant qu’acteur, on travaille avec ce qu’on croit avoir vécu et ce qu’on croit avoir vu. Isabelle Doval apporte son point de vue de cinéaste et de femme, mais surtout d’artiste avec une très belle direction d’acteurs, en leur donnant la main. J’ai énormément aimé travailler avec Isabelle, de même avec mes partenaires Odile Vuillemin, Agathe Bonitzer et toute l’équipe. C’est un très beau casting.
Le 9 novembre, c'est sur France 3 qu’il faudra se brancher pour vous voir dans la peau d’Olivier Breton dans l’épisode 1 de Sophie Cross. À quoi doit s’attendre le téléspectateur ?
C’est l’histoire d’une femme continuellement à la recherche de son enfant perdu. La famille essaie de gérer cette absence insupportable et essaie également de continuer à vivre. Mon personnage a son importance dans l’histoire, il vit lui aussi des moments pas simples à vivre.
Vous êtes l’un des visages phares du cinéma Français et de la fiction française, vous êtes aussi un homme très attaché aux planches de théâtre et aux grands textes classiques. Cet amour pour la culture est un héritage culturel ?
Je suis un enfant de la balle. J’ai eu cette chance incroyable de vivre dans une famille de marionnettistes. Mes parents ont ouvert une nouvelle voie à l’art du marionnettiste. On est sorti du Luxembourg pour aller sur les grands plateaux. Ça a pris beaucoup de proportions avec la fameuse école de Charleville-Mézières. J’étais en immersion avec mes parents, je les ai vus répéter un spectacle, jouer, j’étais parmi les spectateurs. Ça m’a donné le goût du jeu, de la mise en scène et de la culture.
Vous allez suivre plusieurs formations : du Cours Florent au Conservatoire Nationale Supérieur d’Art Dramatique en passant par l’Atelier des quartiers d’Ivry. Qu’avez-vous appris ?
On apprend à faire et à refaire. On travaille sur ce qui est bien, et non ce qui est mal. J’ai toujours une sorte de répulsion contre les pédagogues qui travaillent dans la douleur, ça ne sert à rien, ça ne fait que casser.
J’ai un souvenir très fort à vous raconter. J’ai appris à plonger en apnée avec un oncle. Il savait très bien plonger et je suis parti avec lui. Il est allé jusqu’à vingt-cinq mètres sous l’eau et même si je le suivais, je lui ai dit que je ne pourrai pas le suivre jusqu’au bout. À ce moment-là, il est arrivé, m’a regardé et tendu la main. Ça semblait tellement facile, aisé, il me faisait confiance et j’y suis allé. Mes professeurs m'ont aussi tendu la main. Je garde une très belle image des écoles où je suis passé.
C’est quand on est confiance qu’on donne la meilleure version de soi-même…
Exactement. Et ça ne veut pas dire qu’on ne puisse pas être ferme. J’ai une anecdote sur Daniel Mesguich. Il avait 22 ans, je prenais des cours avec lui et je me souviens que je portais un vieux manteau troué. Et il me dit : « Mon paletot aussi devenait idéal » de Rimbaud. Ça a été une pure révélation. Cette possibilité d’être à la fois le personnage et soi, c’était merveilleux. Ça m’a absolument révélé et depuis ce moment-là, le fil ne s’est pas cassé.
À l'âge de 19 ans vous intégrez le Conservatoire, vous étiez déterminé...
Je l’avais raté deux fois (Rires). Je savais ce que je voulais faire et j'ai mis tout en œuvre pour ne faire que ça. C’était une question de « vie ou de mort ».
Avez-vous le souvenir de la première critique qui vous a blessé ?
C’est important de voir toutes les critiques. Il faut qu’elles soient toutes affichées dans le théâtre. Ce n’est pas à nous les artistes de râler contre eux parce qu’ils ont dit du bien ou du mal (Rires). Pour être honnête, j’ai été une fois chagriné, mais à tort. Pour un spectacle, le critique trouvait que je jouais comme un chanteur de variétés. Ce n’était pas gentil, ça me semblait très loin de ce que j’avais fait, en plus pour un de mes plus beaux rôles. J’ai ensuite compris que c’était un compliment. C’est magnifique un chanteur de variétés, c’est la vie même.
En 89 vous êtes récompensé du prix Gérard-Philipe avant de recevoir le Lutin du meilleur acteur et un prix d’interprétation au festival de Caen. Ces récompenses individuelles vous rassurent, vous réconfortent ?
C’était joyeux. On aime recevoir un prix et le partager avec ceux qui nous entourent. Je ne me sens pas mal de ne pas en recevoir plus. Ses prix permettent de parler cinéma, théâtre, et de partager avec les autres. Mais il ne faut pas que les prix vous arrêtent, rien n’est jamais acquis. Les films reçoivent, de la part de vos pairs, une récompense. J’ai eu un prix à San Francisco pour mon court-métrage Un bon tireur, j’étais content pour moi mais aussi pour toute l’équipe, de la production aux comédiens. C’est une récompense collective. Un film ne se fait pas tout seul.
Quel est votre défaut dans la vie qui est une qualité pour le cinéma ?
Se donner le droit de ne rien faire. Je ne sais pas si c’est un défaut mais le mot est fort. C’est dur de ne rien faire (Rires). En ne faisant rien, vous faites autre chose.
S’ennuyer permet d’améliorer notre créativité…
Je crois beaucoup en ça. Je repense à mes longues heures, enfant, à m’ennuyer et où l’imaginaire s’envole…
Vous gardez cette part d’enfant en vous ?
On est toujours lié aux souvenirs d’enfance. L’enfant que vous avez été est un autre personnage en vous. On ne l’oublie pas. J’ai cette photo prise par mes parents, que je garde, et qui me montre ce regard pur et à la fois qui sait tout.
Actuellement sur MyCanal, on peut visionner le film L’emploi du temps de Laurent Cantet, un bon souvenir pour vous…
C’est mon premier très grand rôle au cinéma. J’ai eu très envie d’incarner ce personnage. Pour moi, ça a été énorme. On a beaucoup répété avec Laurent Cantet. On a fait beaucoup d’essais avec les autres acteurs, la plupart étaient non professionnels. J’ai été en immersion. Ça a été délicieux à vivre. C’est un très grand scénario même s’il faut préciser que ce n’est pas l’affaire Romand. L’Adversaire de Nicole Garcia oui, tandis que dans L'emploi du temps il n’y a pas ce drame, la tragédie est évitée comme tant d’autres sont évités dans le monde. Cette histoire aurait pu m’arriver et peut m’arriver plus tard. Ce film a un propos universel qui ne colle pas du tout au fait divers : comment trouver sa liberté dans son costume trois pièces ?
On va faire un tour d'horizon de vos prochains projets, à commencer par le développement de votre premier long-métrage À mains nues...
Oui avec Stéphanie Douet de Sensito Films. J’ai fait deux films avec elle : Souffler plus fort que la mer de Marine Place et Grand Ciel de Noel Alpy, bientôt sur ARTE. J’aime beaucoup le travail de productrice de Stéphanie. Ce film est l’adaptation du roman L’espoir d’aimer en chemin de Michel Quint. Je l’ai rencontré au festival des Arcs et il m’a dit « Aurélien, tu devrais lire ce livre ».
Ce roman est l’histoire d’un marionnettiste au chevet d’un adolescent dans le coma. Ce marionnettiste va faire un spectacle pour ce garçon. Une relation singulière va s’établir. C’est une recherche existentielle sur le secret de famille, ses désirs profonds et comment, grâce à la marionnette, il va trouver la vérité. Pour un premier film, c’était une évidence. Il y aura certainement l’évolution de l’art de la marionnette dans les années 50. La marionnette est un vecteur de recherches, un enquêteur puissant pour trouver la vérité.
On vous a récemment vu sur le grand écran dans Boîte Noire et dans un an on prendra un ticket pour Belle et Sébastien : nouvelle génération...
Ça a été un grand bonheur avec Pierre Coré. Le scénario est très beau, on est sur un projet totalement neuf. Michèle Laroque, Caroline Anglade et Alice David sont les trois femmes de ce film avec le petit garçon qui est absolument magique. J’aime être dans un film pure et dure comme ça mais aussi dans des aventures très particulières comme La fille et le garçon et Boîte Noire de Yann Gozlan.
Une citation fétiche à me délivrer ?
J’en ai souvent plein (Rires). « Imaginer n’est pas se souvenir » de Victor Hugo. J’adore aussi celle de Claudel : « Ce n’est point le temps qui manque, c’est nous qui lui manquons ». Je la dis souvent à mes enfants. »
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